Résumé :
« « Le matin de son neuvième anniversaire, le lendemain du jour où Madame la gifla, Suzette pissa sur les rosiers. La cloche de la plantation n’avait pas encore sonné quand elle se réveilla en sursaut, tendit l’oreille pour écouter la respiration insouciante de Mam’zelle qui dormait au-dessus d’elle dans le lit à baldaquin, guetta d’éventuels mouvements ailleurs dans la maison endormie et, sans bruit, se leva de sa paillasse posée à même le sol. »
Un premier acte de rébellion pour cette jeune esclave qui a grandi à l’ombre de la grande maison, tiraillée entre sa famille, là-bas dans le quartier des esclaves, et son amitié avec la fille des maîtres. Pourtant, la route vers l’émancipation est encore longue…
De mère en fille, quatre générations de femmes noires utiliseront les seules armes dont elles disposent : patience, endurance, ruse et séduction pour survivre aux heures les plus sombres de l’histoire américaine et élever leurs enfants dans la promesse et l’espoir de la liberté.
INSPIRÉ DE L’HISTOIRE FAMILIALE DE L’AUTEURE, LE PARCOURS INOUBLIABLE DE QUATRE GÉNÉRATIONS DE FEMMES NOIRES AMÉRICAINES, DE L’ESCLAVAGE À LA LIBERTÉ. »
Coup de Cœur :
Tout d’abord, un grand merci aux Editions Charleston pour leur confiance et leur générosité, grâce à une sélection rigoureuse de textes français et étrangers, je découvre régulièrement des histoires engagées sur la place de la femme, et des êtres humains en général, dans le monde !
Dans le prologue, l’autrice raconte comment son arrière-grand-mère Emily, appelé affectueusement « Grand-mère ‘Tite », avait marqué durablement sa famille : tous avait énormément d’admiration et de respect pour elle. C’était une femme élégante, une éternelle énigme, qu’elle a un jour décidé de comprendre. En remontant le fil de ses origines, en s’intéressant à Philomène, la mère d’Emily, et elle a découvert qu’elle-même, était née de Suzette, esclave dans une plantation de taille appartenant à des français, des créoles, la famille Derbanne, sur la Cane River.
Au final, ce roman est une fiction inspirée par des années de recherches sur sa famille et les faits historiques. Elle a mixé des documents officiels (pas toujours très précis), des sources privées et publiques, et un court document familial ayant traversé le temps.
Dans un récit de près de 500 pages, Lalita Tademy retrace l’histoire de quatre générations de femmes de sa lignée familiale, des esclaves qui se sont battues pour leur dignité, leur sang, leur famille. N’ayant aucun droit, elles ont utilisé les maigres armes qu’elles avaient entre leurs mains pour se défendre : le courage, la ruse, la patience et leurs charmes. Chacune avait à cœur d’offrir le meilleur à leur famille, aux personnes chères à leur cœur.
Tout commence en 1837, avec Suzette, une gamine de 9 ans, esclave de l’enfant de la maison, Oreline, qui avait le même âge qu’elle. Comme la majorité des esclaves, sa place est définie par ses maîtres, et le moindre écart est puni. Elle a cependant la chance de vivre encore avec ses parents, Elisabeth, cuisinière, Gérasime cueilleur de coton et excellent joueur de violon qui était souvent loué pour des réceptions dans les plantations le long de la Cane River. Les esclaves de la plantation ne sont pas maltraités, ils sont considérés simplement comme des outils corvéables.
En grandissant, elle va peu à peu comprendre qu’avoir des rêves est compliqué quand on est esclave, et qu’elle est soumise aux désirs et aux volontés des blancs … Engrossée par Eugène Daurat, un français, ami de la famille Derbanne, elle mettra au monde deux enfants. Désormais, elle se bat pour ses enfants ! Et sa fille, Philomène, prendra le relais, bien décidée à améliorer sa condition en se rendant indispensable. Comme sa mère, elle aura un homme blanc, Narcisse Fredieu, bien décidé à en faire sa maîtresse. Ambitieuse, elle utilisera ses charmes pour manipuler l’homme,- afin de s’émanciper elle et ses enfants !
A travers cette histoire incroyable et profondément humaine, l’autrice offre de splendides portraits de femmes : elles se sont battues sans relâches contre les blancs, pour les noirs, contre l’oppression et la ségrégation, pour la liberté ! Elles ont fait preuve d’une formidable force de vie et soif de progrès ! Elles ont prit des décisions, souvent difficiles, avec l’espoir de la liberté pour elles et leurs enfants ! En effet, elles ne pouvait rien décider, juste subir : mariage, viol, séparation des familles…
Avec finesse, beaucoup de documentation, d’empathie, d’intelligence, Lalita Tademy a écrit un roman historique passionnant ! Il retrace une lignée familiale, brosse environ cent ans de l’histoire américaine, décortique les liens complexes entre les maîtres et leurs esclaves, les rapports entre les noirs, les blancs et les métisses.
Le récit est fort, plein de rebondissements, riche en émotions, et en personnages forts !
La volonté de ces femmes force le respect, et la force de ce livre est l’envie plus forte que tout de vivre libre, sans entrave ni chaîne ! Une émouvante saga historique qui conte le fin de l’esclavage et ses conséquences sur les populations américaines.
Ce roman, percutant, livre un message plein de vérités, de forces, et nous rappelle que la liberté n’est malheureusement pas acquise partout dans le monde, et que la différence se paie cher, très cher, trop cher…
Une formidable quête de liberté, bouleversante et révoltante !
PS : il est désormais disponible en format de poche 😉
Citation :
– « La famille, elle reste la famille, partout où elle s’trouve. »
– « À la fin de chacune de leurs relations, il lui disait : Merci, ma chère.
Suzette essayait de deviner ce que l’homme-poupée voulait dire par là. S’il s’agissait d’un véritable remerciement, avait-elle la possibilité, quand il voulait la rencontrer, d’obéir ou non à ses instructions ? Était-elle autorisée à dire tout haut qu’elle n’avait pas envie de s’allonger en cachette pendant qu’il fouraillait et parfois lui faisait mal ?
Elle n’avait pas la possibilité de lui résister. C’était un adulte, un homme blanc et un ami des Derbanne. Elle ne pouvait pas se confesser à sa mère. »
– « — Sois pas téméraire au point d’imaginer que tu peux gagner le cœur de Narcisse Fredieu, répondit Elisabeth.
— Qu’est-ce que j’ferais du cœur d’un homme blanc ? répliqua Philomène d’un ton tranchant. J’veux sa tête, son esprit. J’suis pas sans ressource, Mémère. Moi aussi, j’peux épier les gens, regarder dans leur âme. Il veut que j’le connaisse, mais il me connaîtra jamais. »
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