Résumé :
« « Patience, mes filles ! Munyal ! Telle est la seule valeur du mariage et de la vie. » Au nord du Cameroun, au sein des riches familles peules et musulmanes, la patience est la vertu cardinale enseignée aux futures épouses. Malheur à celle qui osera contredire la volonté d’Allah ! Entre les murs des concessions, où règnent rivalité polygame et violences conjugales, la société camerounaise condamne ces femmes au silence.
Mais c’est aussi là que les destins s’entrelacent. Ramla, arrachée à son premier amour ; Safira, confrontée à l’arrivée d’une deuxième épouse ; Hindou, mariée de force à son cousin : chacune rêve de s’affranchir de sa condition. Jusqu’où iront-elles pour se libérer ? »
Coup de Cœur :
Ce titre m’a attiré l’année passée quand il a gagné le Goncourt des lycéens ! J’ai été ravie de le voir arriver en format de poche, ce qui m’a permit de le découvrir ! J’ai lu le premier tiers d’une traite !
On découvre Ramla le jour de ses noces, non voulues, avec un homme bien plus vieux, qu’elle connaît à peine, et qu’elle n’aime pas… Elle sera la seconde épouse, bien plus jeune, de Alhadji, et elle doit apprendre à composer avec Safira, la première épouse qui est furieuse de son arrivée. En prime, elle doit renoncer à son premier amour sous prétexte que son père et ses oncles sont persuadés d’avoir trouver le meilleur mari pour elle.
Sa petite sœur, Hindou, est mariée le même jour qu’elle à un de leurs cousins. Celui-ci est sur une mauvaise pente, et la famille espère que ce mariage va calmer le jeune homme.
Ces femmes n’ont pas de prise sur leur vie, elles sont nées pour servir leur père puis leur mari. On leur demande d’obéir, d’être patiente, respectueuse, une esclave silencieuse et soumise, au nom d’Allah… Ramla, 17 ans, a voulu aller le plus longtemps possible à l’école afin d’obtenir un diplôme. Sa culture lui a ouvert les yeux sur l’injustice de la situation, et elle a du mal à accepter son destin.
A travers le destin de trois femmes, l’autrice raconte son pays, le Cameroun, avec ses traditions, sa religion à travers les yeux des protagonistes qui ont une folle envie de prendre leurs vies en main. Avec énormément de justesse, et de subtilité, Djaïli Amadou Amal explique le chantage affectif intense exercé par toute la famille sur les enfants en général et sur les filles plus particulièrement. Le père et les oncles les « vendent » au nom des intérêts familiaux. Dés leur plus jeune âge, on les éduque dans des règles très importantes à appliquer afin de ne pas être rejeter par la communauté et de ne surtout pas amener la honte sur la famille : le munyal, cette patience indispensable, et la dignité en permanence, de se faire passer après les intérêts de tous. Après le mariage, elles déchantent rapidement, la réalité est bien plus sombre…
La construction du récit est faites en trois parties, chacune centrée sur une des trois femmes : Ramla, Hindou et Safira. Dans la première, on découvre les pressions effectuées sur la future mariée, ses inquiétudes, et le jour des noces. La seconde suit Hindou qui subit un vrai calvaire au quotidien dans sa belle-famille, et avec un mari brutal. Avec la troisième, on voit comment Safira n’accepte pas l’arrivée d’une seconde épouse, Ramla, et elle est prête à tout pour s’en débarrasser.
La plume est sobre, terriblement réaliste, saisissante, fascinante. Elle dénonce avec simplicité, da manière rigoureuse et indirecte une situation effarante. Elle ne tombe pas dans le pathos et ne surjoue pas les émotions, elle préfère laisser les lecteurs comprendre eux-même…
Un roman choral fascinant sur trois femmes, avec leurs histoires, et leurs destins entremêlés.
Djaïli Amadou Amal fait exploser avec intelligence de nombreux tabous !
Citations :
– Ce n’est pas un viol. C’est une preuve d’amour. On conseilla tout de même à Moubarak de refréner ses ardeurs vu les points de suture que ma blessure nécessita. On me consola. C’est ça le mariage. La prochaine fois, ça ira mieux. Et puis, c’est ça la patience, le munyal dont on parlait justement. Une femme passe plusieurs étapes douloureuses de sa vie. Ce qui s’était produit en faisait partie. Il ne me restait qu’à prendre des bains de bouillies agrémentées de natron afin d’accélérer mon rétablissement. (… ) Goggo Diya m’a avoué plus tard qu’elle avait eu honte de moi tant j’avais crié : tout le monde avait dû m’entendre. A l’hôpital, j’avais continué à hurler. J’avais été impudique. Elle était tellement embarrassée pendant ma nuit de noces quelle avait failli s’en aller. Même mon père et mon beau-père avaient dû savoir que mon mari me touchait ! Quelle honte ! Quelle vulgarité ! Ce moment était secret. Comment allais-je désormais affronter le regard des autres ? Quel manque de courage, de munyal !
– Il est difficile, le chemin de vie des femmes, ma fille. Ils sont brefs, les moments d’insouciance. Nous n’avons pas de jeunesse. Nous ne connaissons que très peu de joies. Nous ne trouvons le bonheur que là où nous le cultivons. A toi de trouver une solution pour rendre ta vie supportable. Mieux encore, pour rendre ta vie acceptable. C’est ce que j’ai fait, moi, durant toutes ces années. J’ai piétiné mes rêves pour mieux embrasser mes devoirs
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