Quand tu écouteras cette chanson - CouvertureRésumé :

« Le 18 août 2021, j’ai passé la nuit au Musée Anne Frank, dans l’Annexe. Anne Frank, que tout le monde connaît tellement qu’il n’en sait pas grand-chose. Comment l’appeler, son célèbre journal, que tous les écoliers ont lu et dont aucun adulte ne se souvient vraiment.
Est-ce un témoignage, un testament, une œuvre ?
Celle d’une jeune fille, qui n’aura pour tout voyage qu’un escalier à monter et à descendre, moins d’une quarantaine de mètres carrés à arpenter, sept cent soixante jours durant. La nuit, je l’imaginais semblable à un recueillement, à un silence. J’imaginais la nuit propice à accueillir l’absence d’Anne Frank. Mais je me suis trompée. La nuit s’est habitée, éclairée de reflets ; au cœur de l’Annexe, une urgence se tenait tapie encore, à retrouver. »

Coup de Cœur :

J’ai découvert la plume de Lola Lafon avec son premier roman, La petite communiste qui ne souriait jamais. Ici je la redécouvre dans la collection Ma nuit au musée chez Stock.

Elle a choisi un lieu particulier, ce n’est pas un musée à proprement parler, plutôt un lieu de recueillement, de souvenirs, où le vide est mis à l’honneur. Otto Frank a exigé que les lieux soient laissés dans l’état où il l’avait retrouvé après le pillage des nazis et la déportation.
Elle a demandé pour passer une nuit au Musée Anne Frank, et plus spécifiquement, dans l’Annexe, cet endroit particulièrement exigu dans lequel l’adolescente, et sa famille se sont réfugiés pour tenter d’échapper aux rafles anti juives. Ils y ont passés 25 mois, cachés dans un espace clos, en devant être le plus silencieux possible.

Dans ces recherches préalables, pendant les entretiens préliminaires, l’autrice en apprend plus sur l’écrivaine en herbe : la jeune fille a réécrit des passages entiers de son journal, en a supprimé plusieurs, car elle avait pour ambition d’être publiée un jour ! Elle décrit minutieusement les lieux, elle croque, parfois vertement, les différents occupants, elle raconte le quotidien qu’ils ont subi pendant de longs mois…
Lola Lafon va aussi rencontrer Laureen Nussbaum, une des dernières personnes à avoir connu la famille Frank. Cette dernière étudie le journal de l’adolescente comme une œuvre littéraire et non comme un simple témoignage depuis plus de vingt ans ! C’était une amie de Margot, la grande sœur de Anne.
Elle garde aussi une profonde admiration pour Mr Frank, un homme élégant, calme et cultivé. Libéral, il a offert une éducation moderne à ses filles. Il a été un officier allemand pendant la Première Guerre Mondiale et il pensait que ça les protégerait. Seul rescapé d’Auschwitz-Birkenau, il a vainement recherché ses filles déportées à Bergen-Belsen pendant de longues semaines.

Dans un texte très personnel, des ressentis inexplicables, de nombreux questionnements, de l’anxiété, de l’intimidation, Lola Lafon partage les diverses émotions qui l’ont parcourue tant à la préparation de cette fameuse nuit que pendant ces quelques heures particulièrement intenses. En effet, le Musée n’en est pas vraiment un : il n’y a pas d’œuvre à admirer, ce sont des sensations qui sont ressenties – l’absence, le vide, les sentiments d’oppression, d’étouffement et de pesanteur.

Cette expérience fait écho à l’identité de l’autrice, à ses peurs, et lui a permis d’accepter, du moins en partie, ses racines. Pendant des années, alors qu’elle est d’origine juive, Lola Lafon a « caché » son judaïsme car il résonnait trop fort, elle voulait juste être « normale ».

Un récit sensible, pudique, sincère et intime.

Intensité du coup de coeur