Poussière blonde, Tatiana de Rosnay

Résumé :

« « Pauline avait conscience qu’elle n’était qu’un être ordinaire aspiré dans l’orbite d’une femme qui, elle, n’avait rien d’ordinaire… Être femme de chambre, c’était précisément cela : faire intrusion sans le vouloir dans l’intimité d’autrui, voir le contenu des corbeilles à papier, remarquer les titres des livres, lire les premières phrases des cartes, lettres et petits mots qui traînent. Tout était là, en pâture ; la vie entière de quelqu’un, dissimulée dans une chambre d’hôtel. »　

Un matin, Pauline est appelée pour nettoyer la suite 614 du Mapes Hotel. Alors qu’elle pense trouver une chambre vide, une femme apparaît, hagarde : Mrs. Arthur Miller, alias Marilyn Monroe, dont le séjour à Reno marque la fin de son mariage avec le célèbre dramaturge et le tournage infernal d’un film à la légende noire, Les Désaxés.

Avec pour décor l’immensité aride du désert du Nevada et ses chevaux sauvages, les mustangs, Poussière blonde raconte le choc d’une rencontre inoubliable entre deux femmes que seul le hasard pouvait réunir. »

Coup de Cœur :

J’ai lu un seul roman de Tatiana de Rosnay, Le Cœur d’une autre, une lecture agréable mais elle ne m’avait guère marquée. Cette année, j’ai décidé de lui donner une nouvelle chance car Marilyn Monroe est une femme fascinante et j’avais très envie de voir comment elle allait gérer ce personnage mythique qui m’a toujours fascinée !

Janvier 2000, Pauline, la soixantaine, est vétérinaire, spécialité équine, près du Mont Shasta, en Californie du Nord. Sa vie est bouleversée une nouvelle fois quand sa meilleure amie, Billie-Pearl l’appelle : l’hôtel casino, le Mapes, à Reno dans le Nevada, est sur le point d’être raser. C’est un voyage dans le temps qui s’offre à elle, elle plonge dans ses souvenirs, car elle y a travaillé pendant trois ans, de 1957 à 1960. Cet été va bouleverser à jamais la vie de la toute jeune femme de 20 ans qu’elle était. En effet, l’hôtel abritait l’équipe du tournage du film « Les Désaxés » de John Huston, écrit par Arthur Miller, pour son épouse, Marilyn Monroe. Les acteurs Clark Gable, Montgomery Clift, Eli Wallach y logeaient également. C’était la folie, tous le monde voulait apercevoir l’icône du cinéma, surtout que les rumeurs annonçait de nombreuses mésententes dans le couple Miller.
Pauline se souvient aussi de sa petite enfance de parisienne quand sa maman, Marcelle, jeune et talentueuse coiffeuse, a rencontré, épousé puis suivi un GI américain, Doug Hammond au États-Unis. Veuve, la jeune française a suivi par amour et avec des rêves plein la tête son amoureux sans imaginer une seule seconde ce que serait la réalité de sa vie à Reno.

En 1960, Pauline, jeune mère célibataire, un peu naïve, ayant perdu ses illusions, travaille aux toilettes du prestigieux hôtel Mapes jusqu’au jour où elle doit, en urgence, remplacer une femme de chambre et nettoyer la suite 614, de M et Mme Miller, parti pour la journée. Mais elle n’est pas vide, Mme Miller dormait encore et cette rencontre va être capitale pour elle.

Arthur Miller et Marilyn Monroe

Pauline rêve de mustangs, ces chevaux sauvages qui la fascine, de nature, de grands espaces, elle connaît peu le monde du cinéma, d’Hollywood avec toutes ses paillettes, la drogue, l’alcool et le mal-être qui habite la plupart des protagonistes…Un échange inoubliable entre elles va changer à tout jamais la vie de la jeune femme de chambre. Fière de sa confiance, elle respecte profondément ses confidences, et elle reçoit en échange de précieuses leçons de vie pendant cet été inoubliable à de nombreux points. Un lien improbable va se nouer entre elles, Pauline va oser envisager une autre possibilité pour son avenir, lui donner la force de se libérer et de vivre enfin son rêve.

Un petit coup de cœur pour cette excellent roman qui présente une Marilyn Monroe dans sa vie quotidienne, son entourage proche, sa dépression, sa dépendance aux médicaments, son intelligence émotionnelle, sa sensibilité aux autres… L’autrice imagine la rencontre entre deux femmes aux destins brisés, Pauline une jeune femme de chambre de 20 ans à peine, et celui de Marilyn au sommet de sa gloire, pendant le tournage du dernier film complet de l’icône, dans le Nevada, à Reno, un récit qui rappelle l’Age d’Or d’Hollywood. Avec audace, à travers le regard d’une femme ménage, Tatiana de Rosnay nous offre un portrait tout en nuance de l’actrice : une femme à la peau laiteuse mais aux yeux injectés de sang, épuisée physiquement et psychologiquement, fragile qui se réfugie dans sa chambre d’hôtel pour fuir un mari qu’elle n’aime plus, des paparazzis toujours plus intrusifs et un tournage qui l’accable. Pauline est bienveillante, impressionnée, empathique et inquiète pour sa cliente.

Photo du tournage du film Les Désaxés avec Montgomery Clift, Marilyn Monroe et Clark Gable

En prime, on découvre les dessous d’un tournage mythique, les liens entre les différents protagonistes du film, les stars bien sûr, comme les acteurs, le scénariste et le réalisateur, ainsi qu’avec toutes ces petites souris qui travaillaient dans l’ombre : maquilleuses, coiffeuses, masseurs, chauffeurs, assistants, photographes … Lors d’une journée exceptionnelle, on va assister à la création d’une scène clé du film, et c’est fascinant.
L’autrice décrit aussi ces grands espaces américains, l’immensité aride du désert du Nevada et le combat de passionnés pour protéger les chevaux sauvages qui peuplent les lieux : les mustangs. Certains scènes au cœur de la nature sont particulièrement poignantes, ces chevaux ayant été exploité de manière honteuse et scandaleuse.

Un roman passionnant, richement documenté sur la puissance de l’amitié, la force de la vie, la beauté de l’espoir, et les batailles pour réaliser ses rêves. C’est beau, parfois un peu naïf, comme le regard de la jeune Pauline.

Une ode à deux femmes fortes, une icône du cinéma trop vite disparue et une femme qui osé réaliser son rêve.
Un superbe hommage à la Marilyn intime derrière l’icône blonde.

Citations :

* C’était la mode hollywoodienne, en ces temps-là, d’avaler un somnifère ou deux pour mieux s’endormir, et des stimulants pour se réveiller, le tout sur fond d’alcool, et Marilyn en était devenue dépendante. Personne n’avait pris soin de la star; personne n’avait veillé sur elle. Jour après jour, on apaisait son mal-être en lui distribuant des cachets comme si c’étaient des confiseries, sans le moindre scrupule, ainsi qu’elle avait vu Paula Strasberg le faire de ses propres yeux.

* Je suis une actrice habituée à endosser des rôles. La personne extraordinaire, c’est vous. Sauf que vous ne le savez pas.

Intensité du coup de coeur